samedi 29 octobre 2005

Remontée de file : Les obsessions répressives de Rémy Heitz

Répression Circulation interfiles

Pratique répandue dans les grands centres urbains, la remontée de file (ou interfile) est pratiquée de longue date par les motards et autres usagers de deux-roues motorisés.

Si cette pratique suppose le respect de quelques règles de prudence (et donc aussi, de bon sens), elle permet de désengorger sérieusement le trafic.

Du reste, dans leur très grande majorité, les automobilistes accueillent avec courtoisie cette usage en facilitant, le plus souvent et lorsqu’ils le peuvent, le passage des deux-roues.

Une bonne entente à laquelle les pouvoirs publics semblent vouloir demeurer résolument sourds. Au point qu’on peut se demander si, ici comme pour le bridage à 100 chevaux, on ne va pas nous rejouer le fameux air de l’exception française !

La remontée de files par les deux-roues motorisés (DRM), en ville et sur les voies rapides à chaussées séparées, est devenue, en cas d’embouteillages, une pratique courante.

Cette pratique s’est développée parallèlement à l’accroissement important du parc circulant de DRM, dû notamment à l’équivalence permis B-125 cc (MTL), en réponse à l’augmentation des difficultés de circulation en ville pour les voitures.

De 1996 à 2003, on constate que le nombre de DRM est passé de 738 000 à 1 092 000, soit une augmentation de 48%. Le parc seul des MTL ayant, pour sa part, augmenté de 55 %.

La remontée de files est surtout développée dans les grandes agglomérations et sur les voies péri-urbaines de celles-ci. Elle n’est pas règlementée mais une tolérance de fait existe depuis plusieurs années.

Imaginez un instant que, lors d’un embouteillage, chaque DRM s’intercale dans la file. Vu leur nombre aujourd’hui, on pourrait parler d’embouteillage monstre ! De quoi pourrir la vie de tout le monde.

Et pas besoin d’habiter Paris, Lyon ou Marseille pour vivre cet enfer. Il est des périodes de l’année ou certaines villes vauclusiennes se donnent des airs de métropoles asphyxiées.

Or voilà-t-y pas que monsieur le Délégué Interministériel à la Sécurité Routière, Rémy Heitz, lors du récent Mondial du Deux-Roues, s’est fendu d’une de ces déclarations dont l’absurdité fait frémir : "La remontée de file est interdite par le Code de la Route, il est hors de question de la tolérer" (fin de citation).

Tout juste si notre ange de la route édulcore son propos en ajoutant que les forces de l’ordre font preuve de discernement et ne sanctionnent que les comportements excessifs. Tout en renchérissant que cela ne signifie pas qu’il y ait une tolérance.

Bref, Rémy ne veut pas de remontée de file et, en grand ami des motards qu’il est, entend bien réprimer et seulement réprimer. Preuve sans doute que l’usage de l’intelligence n’est pas, à première vue, la principale fonction de sa matière grise.

Prétendre, comme le fait notre homme, que la remontée de file est une pratique extrêmement dangereuse est pour le moins exagéré, même s’il ne faut pas nier que le danger est réel selon la manière dont on procède. Selon les chiffres de la Sécurité Routière (c’est à dire de ses propres services), en 2003, sur 785 motards tués, 7 l’ont été en circulant entre deux files, soit moins de 1 %, mais 567 ont perdu la vie en restant dans la leur. Pas de quoi inciter à entendre les élucubrations motophobes du beau Rémy !

Or, comme à l’époque du peu regretté Christian Gérondeau, triste prédécesseur de monsieur Heitz, à force d’entendre toujours le même discours sur la prétendue irresponsabilité des motards, sans aucun discernement ni la moindre connaissance de la problèmatique DRM, on en vient à se dire que l’homme n’aime vraiment pas les motards qui lui apparaissent comme des boucs-émissaires tout désignés.

Plutôt que de donner libre cours à sa hargne, il ferait bien mieux de s’inspirer de l’exemple de nos voisins belges qui, eux, ont précisé les règles de la remontée de file afin que sa pratique soit enseignée et contribue aux bonnes relations entre automobilistes et motards. Et nous ne sachons pas qu’on ait assisté à une hécatombe outre-Quiévrain !

De même, la charte de bonne conduite adoptée aux Pays-Bas est aussi le fruit d’une concertation entre pouvoirs publics et représentants des motards. Comme quoi, dans certains pays, la notion de dialogue ne se réduit pas au monologue monomaniaque de quelque haut-fonctionnaire autoritaire et trop sûr de lui.

Pour la FFMC, il ne saurait être question de laisser les choses en l’état. La légitimité de cette pratique doit être reconnue. C’est une question de bon sens qui tient compte également de l’intérêt des automobilistes et des usagers des transports en commun routiers.

Et s’il en est encore qui n’en sont pas convaincus, rien ne dit que nous ne pourrions pas en faire la démonstration sur le terrain. Il est vrai que ce ne sont pas les Heitz et consort qui en seront les premières victimes. Mais après tout, il est des combats qu’il faut savoir partager, non ?

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