lundi 14 janvier 2008

Contrôle technique moto : Couche d’apprêt par le Conseil Général des Ponts et Chaussées

La Voix de son Maître

Pompes à fric

L’affaire semble d’ores et déjà bien lancée et la campagne entonne une partition bien connue sur l’air du "Qui veut noyer son chien...".

C’est que, en matière de sécurité routière, quand il y a du flouze à ramasser pour les petits copains, ce gouvernement ne recule devant aucun sacrifice. Surtout pas celui de nos portes-monnaies.

Comme on pouvait s’y attendre, un organisme "expert" se fend d’un savant rapport pour vanter les mérites du contrôle technique des 2-roues à moteurs. Cette fois-ci, c’est le Conseil Général des Ponts et Chaussées qu’y s’y colle. En toute indépendance, bien sûr.

Peu avare en paradoxes, ce rapport préconise un contrôle technique pour l’ensemble des deux roues à moteur via le réseau des centres auto. Pourtant il reconnaît ne pas être en mesure de démontrer le lien entre état du véhicule et (in)sécurité des 2RM.

Par ailleurs, il attribue l’amélioration de la pollution à la mise en place du contrôle technique auto, en "oubliant" au passage le rôle primordial des normes européennes.

Enfin, il suggère qu’un contrôle technique permettrait de garantir les transactions entre particuliers sur le marché de l’occasion, en oubliant qu’un contrôle volontaire est toujours possible et qu’il existe déjà une garantie légale (contre les vices cachés) qui joue également entre particuliers.

La décision politique n’est pas encore prise, et cette question est loin de faire l’unanimité y compris chez les professionnels.

Un dossier complet sur le contrôle technique sera publié dans le prochain numéro de Moto Magazine (février 2008).

Pour lire les 91 pages de ce rapport, cliquez ici.

Pour ceux qui trouveraient cette lecture rébarbative (comme on les comprend), en voici une "petite" synthèse, malgré tout fort instructive.

Pourquoi le Contrôle Technique Moto (CTM) ?

Attendue depuis quelques mois, la publication du rapport du Conseil Général des Ponts et Chaussée sur le contrôle technique moto a été rendue publique le 10 janvier 2008.

Rappelant sur 91 pages un certain nombre de truismes, et sans renier quelques paradoxes, le rapport recommande la mise en place d’un Contrôle technique pour l’ensemble des deux roues à moteur, pour les 3 raisons suivantes :

  • La sécurité (alors que seuls 0.7% des facteurs d’accidents de 2RM seraient liés à l’état du véhicule [1])
  • La pollution (la part de pollution du secteur des transports concernant les 2RM est estimée à 0.5% [2])
  • La garantie des transactions sur le marché de l’occasion (alors qu’un contrôle volontaire suffirait à assurer les transactions entre particuliers).

Ce rapport sur le CTM, censé mobiliser les utilisateurs alors qu’il leur retire la responsabilité de l’état de leur machine au profit d’intérêts commerciaux, reconnaît pourtant à plusieurs reprises le manque de lien entre état du véhicule et la sécurité des 2RM... Un comble !

Toutefois, semblant reconnaître la faiblesse des justifications apportées pour un CTM, le rapport suggère que sa mise en place doit se faire dans le cadre d’une concertation et s’accompagner d’autres "mesures complémentaires susceptibles d’améliorer la sécurité des deux-roues" parmi lesquels l’application aux 2RM de la procédure VGE (Véhicules Gravement Accidentés) ou le retrait de la loi des 100 ch !

Le rapport rappelle par ailleurs "les grands principes d’un contrôle technique des deux-roues qui doit :

  • porter sur l’ensemble du parc,
  • obéir aux mêmes règles d’organisation que celles applicables aux véhicules de tourisme,
  • se limiter aux fonctions essentielles,
  • être acceptable socialement".

Le rapport évoque en effet dés les premières lignes "la vive opposition" auquel le CT devra faire face, en rappelant le précédent des feux de jour en France ou l’exemple de la Belgique où l’on "a considéré que les tests n’étaient pas concluants et décidé le report de la mesure".

Pour rassurer sur l’acceptabilité sociale du CTM, et en contenir le coût dans la limite très psychologique de 30 €, le contenu d’un tel contrôle est censé se limiter au "contrôle visuel des fonctions essentielles", alors qu’en creusant un peu, le CT trouve paradoxalement sa justification dans un contrôle des émissions polluantes qui suggère un dispositif autrement complexe, qu’il n’existe même pas à ce jour de norme de contrôle et que le rapport évoque une vérification de la géométrie, nécessitant un investissement conséquent de la part des centres de contrôle technique dans des dispositifs spécifiques aux 2RM. 

Le rapport indique avec une certaine clairvoyance qu’il s’agira pour beaucoup de motards d’une "nouvelle contrainte" sur les utilisateurs de 2R "qui ne règlera pas les vrais problèmes comme, par exemple, les infrastructures mal adaptées avec la présence de trop nombreux obstacles fixes ou de glissières non protégées, le taux de TVA à 19,60 % sur les accessoires de sécurité et, plus généralement, le manque de considération des autres usagers à l’égard des motards et des cyclomotoristes".

Il indique enfin que "la mise en oeuvre de la mesure exige donc un temps de concertation préalable au cours duquel devrait être évoquée parallèlement la faisabilité d’un certain nombre des propositions complémentaires" (procédure VGE, contrôles routiers, lutte contre le "tunning", incitation fiscale au renouvèlement du parc et création d’une filière de retraitement, remise en cause du bridage à 100 ch, encourager un contrôle volontaire...). Nous mettrait-on un marché en main ?

Qui est pour ? Qui est contre ?

Sans surprise, du côté des "pour" on trouvera tous ceux qui ont un intérêt économique direct : centre de contrôle technique auto, équipementiers de ces mêmes centres, les experts auto, ..., tous se mettent sur les rangs pour proposer du "toujours plus" (bancs de freinage, ...) , mais aussi l’association Axa/Club 14, la FNCRM [3], le CNPA [4] branche Contrôle technique, les constructeurs français et représentants français des constructeurs étrangers ainsi que les Motos-écoles, bien que ces derniers soient plus mesurés dans leurs souhaits et préfèreraient que le contrôle technique puisse se mettre en oeuvre dans le réseau existant de concessionnaires moto.

Du coté des opposants au CTM : les Assureurs (le GEMA [5] indique sa "perplexité"), le CNPA branche 2-roues, la FFMC [6] et la FFM [7].

La position de la FFMC est exposée de manière caricaturale sans que son argumentation détaillée ne soit présentée en annexe, contrairement aux autres organismes audités par le conseil général des ponts et chaussées.

La position du CNPA branche deux roues, opposée au CT moto, est exposée de manière lapidaire sous forme d’une liste d’arguments même pas rédigée !

Un Contrôle Technique Moto calqué sur le CT auto malgré les zones d’ombre

Sécurité

Alors qu’il recommande de calquer le contrôle technique moto sur celui existant pour les voitures, le rapport peine à dresser un bilan positif de ce dernier. Sur l’aspect sécurité il indique qu’ "il est difficile d’établir une corrélation entre l’état du véhicule et la survenance des accidents".

Environnement

Sur l’environnement, il attribue au contrôle technique la diminution de la pollution du parc en oubliant que parallèlement ont été introduites au cours des 10 dernières années des normes européennes de plus en plus strictes et affirme sans rire qu’il s’agit là de la "preuve de l’efficacité du contrôle technique".

Protection du consommateur

Si de ce côté on peut trouver un intérêt à l’existence d’un contrôle technique moto pour "sécuriser" les transactions entre particuliers, pourquoi diable vouloir le rendre obligatoire ?

Il existe en effet des dispositifs volontaires souvent gratuits dans le réseau moto ou bien plus coûteux que les hypothétiques 30 € évoqués dans le rapport, lorsqu’il s’agit d’offres commerciales spécifiques "moto" émanant de centres de contrôle auto.

Paradoxes et Infos diverses parfois croustillantes recueilles au détour des pages de ce rapport

  • Ce sont les véhicules les plus récents qui sont les plus impliqués dans les accidents (donc une moto neuve est plus dangereuse qu’une moto d’occasion !)
  • L’état du parc serait bien meilleur pour les grosses cylindrées.
  • L’age moyen du parc 2RM est de 7 ans.
  • Dans les pays ayant mis en place un CTM, le taux de "non conformités" est inférieur de moitié à celui du CT auto.

Autre paradoxe : Pour justifier la nécessité d’un CTM, le rapport dénonce l’inefficacité de mesures telles que la formation obligatoire pour les 125, les feux de jour pour les cyclos, leur immatriculation ou le BSR, alors que celles-ci ne sont que très récemment et imparfaitement appliquées voire pas du tout (ex. la formation obligatoire pour les automobilistes souhaitant conduire une 125 n’entrera en application qu’au 1/1/2009).

Selon le rapport, le débridage des cyclos justifierait la mise en place du CT alors que des lois réprimant sévèrement ce débridage ont déjà été adoptées en 2003 et 2006. Pourtant le rapport indique benoitement que "le caractère récent de ces dispositions ne permet pas d’en mesurer les effets réels" et donc que de nouvelles réglementations sont nécessaires, sans avoir évalué l’efficacité des précédentes.

Le rapport cite de manière erronée l’étude MAIDS en indiquant que les accidents liés à l’état des véhicules sont de l’ordre de 5 %, alors que l’étude indique en réalité un taux respectivement de 0.7% et 1.6 % de défaillance technique comme cause primaire ou cause secondaire d’un accident.

Restent les questions du bruit des motos et du débridage des cyclos pour justifier la mise en place d’un CTM. Avouez que c’est insuffisant et qu’on peut se demander la capacité d’un CTM à résoudre ces questions.

Conclusion : A quelle sauce ?

Laissons l’introduction de cette conclusion au rapport lui-même qui annonce que "même en l’absence de données statistiques irréfutables, on peut légitimement conclure qu’un contrôle technique pourrait améliorer la sécurité des deux-roues". De façon tout aussi scientifique, nous ajouterons qu’on peut tout aussi légitimement en douter !

La recommandation de calquer le CTM sur celui des voitures semble en lui-même incohérente étant données les spécificités de chacun de ces véhicules ! L’accessibilité à un CT pour tous les 2RM nécessiterait des investissements qui ne seraient pas amortissables en zone rurale.

Le coût de 30 € avancé pour un "simple contrôle visuel des principaux éléments", censé nous rassurer, est incompatible avec les exigences des centres de contrôle technique (dont certains proposent d’ores et déjà un dispositif "volontaire" tarifé 70 €).

En réalité un contrôle à 30 € recouvre un contrôle minimaliste que chacun est sans doute capable de faire chez soi (puisque enseigné pour l’obtention du permis moto) ou auprès de son concessionnaire pour les moins expérimentés.

Un espoir cependant : Le rapport conclut sur la nécessité d’élargir la réflexion à d’autres éléments à prendre en compte pour améliorer la sécurité d’une pratique dont le développement semble inéluctable, en particulier en zone urbaine où les deux-roues sont les plus vulnérables.


Pour trouver le rapport MAIDS : www.acembike.org


[1Rapport MAIDS

[2Laboratoire de thermodynamique appliquée de l’Université Aristote de Thessalonique

[3Fédération Nationale du Commerce du Cycle et du Motocycle

[4Conseil National des Professions de l’Automobile

[5Groupement des Entreprises Mutualistes d’Assurance

[6Fédération Française des Motards en Colère

[7Fédération Française de Motocyclisme

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